DROIT DES PROCHES

Mesures de contrainte durant une hospitalisation

Résumé:
Au cours d’une privation de liberté à des fins d’assistance Sieur A, fils de Dame B et de Sieur C, a reçu, contre son gré, un traitement médicamenteux  en raison d’un risque grave auto et hétéro-agressif, parallèlement à l’instauration d’un programme en chambre fermée. Suite à un recours de Sieur A la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients (ci-après la commission) a levé la mesure de contrainte au motif que, lors de l’entretien avec la commission,  Sieur A avait reconnu son besoin de soins en retirant sa demande de sortie immédiate, que son attitude avait reflété ce jour-là un engagement de sa part à suivre son traitement et que par conséquent la mesure de contrainte ne reposait plus sur des critères nécessaires. Dame B et Sieur C ont protesté contre la décision de la commission qu’ils considéraient comme irresponsable et violant le droit de leur fils à bénéficier de soins médicaux. Le Tribunal administratif a refusé d’entrer en matière estimant que les parents ne pouvaient pas recourir contre la levée d’une mesure de contrainte. Le Tribunal administratif a jugé que le droit de recours des proches avait pour objectif d’assurer – au-delà des droits conférés au patient lui-même – la possibilité pour des tiers de contester des mesures restreignant la liberté du patient, notamment lorsque ce dernier est incapable de faire valoir ses droits. En revanche la loi ne donnait pas aux proches le droit de de requérir le prononcé d’une mesure de contrainte. Le Tribunal administratif a fait un parallèle avec les principes qui prévalent en matière de privation de liberté à des fins d’assistance : si des proches peuvent faire appel au juge contre une décision de privation de liberté touchant une personne atteinte dans sa santé mentale, de jurisprudence constante, ils n’ont aucun droit d’appeler d’une décision de l’autorité levant une telle mesure.

Commentaire:
Il s’agit d’une jurisprudence cantonale genevoise. Le Tribunal administratif refuse de reconnaître aux proches le droit de requérir une mesure de contrainte ou de recourir contre la décision qui lève une telle mesure. Les proches n’ont  donc pas de droit propre à exiger une mesure médicale qui porte atteinte à la liberté personnelle.

Références:
ATA/342/2010 paru à la SJ 2011 227

PRESTATIONS COMPLEMENTAIRES

Le conjoint du bénéficiaire n’est pas soumis à un devoir de renseigner sur sa propre situation

Résumé:
Dame A, épouse de Sieur B invalide, signe la demande de prestations complémentaires (ci-après PC) que celui-ci dépose en 1994. En 2000 elle se sépare de Sieur B qui continue à toucher les PC. Le Service des PC (ci-après SPC) notifie toutes ses communications exclusivement à Sieur B. La rente de Sieur B est supprimée en 2009. Le SPC cesse ses versements et exige de Dame A et Sieur B qu’ils restituent 260’245 CHF perçus en trop par Sieur B entre 2000 et 2009. Le SPC considère Dame A comme bénéficiaire de PC et lui reproche d’avoir contrevenu à son devoir de renseigner : elle aurait dû dire qu’elle s’était séparée de Sieur B.  Estimant qu’elle n’est pas de bonne foi  il refuse de lui octroyer la  remise de l’obligation de restituer qu’elle réclame sur la base de la LPGA (RS 830.1).
Le Tribunal fédéral  (ci-après TF) ne l’entend pas de cette oreille : lorsqu’elle appose sa signature conjugale sur un formulaire de demande de PC l’épouse ne devient pas pour autant bénéficiaire de la PC à laquelle elle n’a nul droit propre ou autonome : Dame A n’était par conséquent soumise à aucun devoir d’annoncer la séparation, que le SPC pourrait lui reprocher d’avoir violé. Dans ces circonstances le SPC doit reconnaitre sa bonne foi et entrer en matière sur la remise de l’obligation de restituer.

Commentaire:
Cette jurisprudence tient équitablement compte de la réalité : laisser l’autorité cantonale poursuivre quelqu’un-e qui n’est pas bénéficiaire d’une prestation sociale dans le seul but d’élargir le cercle des personnes soumises à une obligation de restituer aurait été tant une injustice ponctuelle qu’un redoutable encouragement à harceler une catégorie sociale fragile et sans ressources. Il y a quand même lieu de s’inquiéter du fait que le TF doive répéter la messe aux autorités genevoises : dans un arrêt de 2010 (9C_ 211/2009 du 26.02.10) le TF avait déjà expliqué au SPC que l’époux n’étant pas bénéficiaire de la PC il n’est pas soumis à l’obligation de restituer.

Références:
9C_638/2014 du 13 août 2015
 

Dilapider sa fortune avant de faire une demande de prestations complémentaires

Résumé:
Après sa retraite Dame A a dépensé 37’975 CHF en trois mois puis 49’921,20 CHF en un an. Par la suite elle demande des prestations complémentaires (ci-après PC). Se pose alors la question de savoir si l’administration cantonale des PC (ci-après APC) peut imputer à Dame A une fortune hypothétique qui diminue son droit aux PC.
Dans un premier temps, le Tribunal fédéral (ci-après TF) se réfère à un jugement similaire, non publié (arrêt K du 10 mai 1983), dans lequel il avait refusé de tenir compte d’une fortune hypothétique : il  s’agissait d’un rentier qui, ayant vécu modestement jusqu’à l’âge de la retraite, avait dépensé une partie de son capital prévoyance en voyages, soins dentaires, achats divers et repas au restaurant. Selon le TF,  l’expérience de la vie enseignait qu’un tel comportement était fréquent dans des situations de ce genre. Il a rappelé que le législateur n’avait pas voulu sanctionner l’assuré prodigue: la loi sur les PC visait avant tout à empêcher qu’un assuré se dessaisisse de ses biens au profit d’un tiers, sans obligation juridique et de manière à diminuer le revenu déterminant le droit aux PC. Mais l’assuré qui dépensait sa fortune pour acquérir des biens de consommation, ou pour améliorer son train de vie, usait de sa liberté personnelle et ne devait pas se voir imputer une fortune hypothétique.
Après cette piqûre de rappel, le TF se penche sur le cas de Dame A. Selon lui une dépense 88’000 CHF en 15 mois autorise l’APC à exiger de Dame A qu’elle fournisse des explications. En effet, celles-ci sont nécessaires pour déterminer si Dame A s’est dessaisie de sa fortune sans contreprestation équivalente ou sans obligation juridique. Le TF rappelle ensuite qu’il n’y a pas lieu de retenir un dessaisissement de fortune pour une personne qui a vécu au-dessus de ses moyens, l’APC n’ayant pas à procéder  à un contrôle du mode de vie des assurés. En l’espèce, les dépenses de Dame A (paiement de dettes, impôts, voyages, dentiste, lunettes, réfections de l’appartement et retrait d’espèces pour vivre un peu mieux qu’avant) ne sont pas constitutives d’un dessaisissement de fortune. Il faut donc renoncer à tenir compte d’une fortune hypothétique dans le calcul du droit à la PC.

Commentaire:
La jurisprudence a maintes fois confirmé cet arrêt ancien selon lequel il ne faut pas tenir compte d’une fortune hypothétique lorsque  l’assuré a vécu au-dessus de ses moyens avant de demander les prestations complémentaires (ci-après PC). Vivre au-dessus-de ses moyens relève de la liberté personnelle de sorte que chacun-e a le droit de mener une vie dispendieuse sans se voir refuser ultérieurement des PC. Malheureusement, les personnes ayant dépensé leur fortune durant une crise psychique ne peuvent pas prouver leurs dépenses en produisant des factures et se voient, de ce fait, imputer une fortune hypothétique.

Références:
ATF 115V 352 du 2 novembre 1989 (en allemand avec citation en français)

Ne pas comprendre les calculs de prestations complémentaires (PC)

Résumé:
Le 21 octobre 2010 le service des prestations complémentaires (ci-après SPC) a demandé à Sieur A de restituer un montant de 251’429 CHF correspondant notamment à des prestations complémentaires (ci-après PC) versées à tort du 1 er octobre 2000 au 30 septembre 2010. Sieur A s’est opposé et, le 25 octobre 2011, le SPC a réduit à 180’571, 65 CHF le montant dont il réclamait la restitution. Cette décision était assortie d’un plan de “recalcul des prestations” dans lequel étaient inclus des éléments relatifs à la période courant jusqu’au mois d’octobre 2011. Saisie par Sieur A, la Cour de justice a jugé, le 26 septembre 2013,  que la demande de restitution ne devait porter que sur la période du 1 er octobre 2005 au 30 septembre 2010. Mécontent, le SPC a demandé au Tribunal fédéral (ci-après TF) d’annuler le jugement de la Cour de justice. S’agissant du système de calcul appliqué, le SPC exposait dans son recours que l’assuré ne connaissait pas immédiatement le montant actualisé de sa dette et qu’il devait, de ce fait, procéder à une lecture successive des décisions rendues.

Le TF procède à un examen des bases de calcul. Il  juge que le SPC n’était pas en droit de prendre en considération tous les faits survenus après sa décision initiale du 21 octobre 2010 et jusqu’à  la décision sur opposition du 25 octobre 2011. Concernant la communication des calculs, le TF remarque que les explications fournies  mettent en évidence une pratique qui n’est pas admissible, car le SPC est tenu de soumettre aux administrés des calculs non seulement clairs et compréhensibles, mais qui correspondent également au dossier de la procédure. Il juge que la pratique du SPC prête à confusion et ne saurait être maintenue.

Commentaire:
Tous ceux qui se sont arrachés les cheveux à la lecture des décisions chiffrées portant sur les prestations complémentaires salueront  cette jurisprudence exigeant des organes chargés de l’exécution du régime des prestations complémentaires qu’ils présentent des calculs intelligibles aux assurés.

Références :
9C_777/2013 du 13 février 2014

Renoncer à une pension alimentaire

Résumé:
Sieur A et Dame A, bien que mariés, vivent séparés depuis 1993. A cette époque  Sieur A avait été condamné à verser à Dame A une contribution d’entretien pendant une année à raison de 1’500 CHF / mois. Au moment de la retraite, 19 ans plus tard, les prestations complémentaires (ci-après PC) sont refusées à Dame A parce que, selon le service des prestations complémentaires (ci-après SPC), Dame A  pourrait toucher de Sieur A une pension alimentaire annuelle de 18’000 CHF (soit 12 x 1’500 CHF). Par conséquent, le SPC retient un revenu hypothétique de 18’000 CHF dont Dame A se serait volontairement dessaisie.
Selon le Tribunal fédéral (ci-après TF) le SPC est en droit, lorsqu’aucune contribution d’entretien n’a été convenue entre les conjoints, d’examiner si une telle contribution entre en ligne de compte et, dans l’affirmative, d’en déterminer le montant. En l’espèce, le droit de Dame A à une pension de 1’500 CHF / mois datait d’une vingtaine d’années et n’avait pas été prorogé par le juge. Dans ces circonstances, le SPC ne pouvait pas, sans enfreindre la loi, considérer aujourd’hui ce montant mensuel comme une pension potentielle, alors même qu’il ignorait tout de la situation économique actuelle de Sieur A. Dans de telles circonstances, le SPC aurait pu recueillir les renseignements nécessaires auprès des autorités fiscales. Le TF précise encore que si, par la suite, Dame A renonçait à saisir le juge civil pour faire fixer une contribution d’entretien, le SPC serait alors fondé à tenir compte d’une contribution d’entretien dont le montant devrait être déterminé selon les circonstances du cas d’espèce, mais non pas de manière forfaitaire ou abstraite.

Commentaire:
Nous voici rassurés de savoir que le revenu hypothétique doit impérativement correspondre à une réalité et non pas se fonder sur des conjectures abstraites.

Références:
9C511/2013 du 8 mai 2014

ASSURANCE MALADIE

Perte de gain : avis du médecin traitant contre l’avis du médecin conseil

Résumé:
Suite à un mobbing sur son lieu de travail, Sieur A se trouve en incapacité de travail et au bénéfice d’indemnités journalières de l’assurance perte de gain (ci-après l’assureur). En mars, après quatre mois d’arrêt, son médecin traitant confirme au médecin conseil de l’assureur que Sieur A souffre d’un état dépressif majeur, que l’évolution est favorable et qu’une reprise pourrait être exigible dans quelques mois. En mai Sieur A s’adresse à l’assurance invalidité pour une détection précoce. En juin, sans examiner Sieur A et sur la seule base du dossier, le médecin conseil de l’assureur préconise une reprise à 50% dès le 1er juillet et à 100% dès le 1er septembre alors que le médecin traitant continue à certifier une incapacité totale de travail au-delà du 30 juin. En juillet, Sieur A est licencié pour fin octobre. Il s’inscrit au chômage et l’assureur cesse ses versements. Début octobre le médecin traitant invite le médecin conseil à convoquer Sieur A pour une expertise et une réévaluation de la situation. Le médecin conseil refuse d’entrer en matière. Sieur A est indemnisé par l’assurance chômage.
Sieur A demande au juge de condamner l’assureur à lui verser les indemnités journalières dues. Le juge cantonal constate que l’incapacité de travail avait été sérieusement attestée par les médecins, alors que l’avis divergeant du médecin conseil était sommaire, dépourvu de motivation et ne se fondait pas sur un examen du patient ; il ajoute que la demande de détection précoce corroborait l’incapacité de travail ; il donne gain de cause à Sieur A.
Reprochant au juge cantonal d’avoir écarté l’avis de son médecin conseil, l’assureur saisit le Tribunal fédéral (ci-après TF) qui lui donne tort. Le TF estime que l’audition du médecin conseil par le juge cantonal aurait été inutile, puisque son opinion ne reposait pas sur un examen de Sieur A. A l’inverse, les allégations précises du médecin traitant apportent la preuve de leur véracité, car elles sont appuyées par des indices objectifs, confortés par le rapport du psychiatre. L’assureur ayant renoncé à faire examiner Sieur A par un médecin de son choix, il s’est privé de constatations cliniques autres que celles effectuées par les médecins traitants. Le TF rappelle encore que les indemnités de chômage sont subsidiaires aux indemnités perte de gain maladie. Il en découle que pour la période où Sieur A a été indemnisé par le chômage alors qu’il avait droit à des indemnités perte de gain maladie, l’assurance chômage peut se faire rembourser par l’assureur perte de gain.

Commentaire:
Au-delà du scandale des expertises falsifiées par la Clinique Coréla, devenue Medlex pout tenter d’échapper aux conséquences de ses actes, le citoyen ne peut qu’être choqué de la désinvolture généralisée avec laquelle les médecins expertisent des personnes souffrantes ainsi que du mépris qu’ils manifestent pour les compétences des médecins traitants.

Références: 4A_42/2017 du 29 janvier 2018, destiné à publication
 

Changement d’assureur maladie valable en cas de prime impayée et de sommation impossible (LAMal)

Résumé:
En septembre 2011, Sieur A résilie son contrat d’assurance maladie de base pour le 31 décembre de la même année. La prime de décembre 2011 n’étant pas acquittée, l’assureur lui envoie un rappel  le 16 décembre 2011, puis une sommation le 20 janvier 2012 . Enfin, il refuse la résiliation et constate, en mars 2016, que Sieur A ne s’est acquitté d’aucune prime depuis janvier 2012. Sieur A saisit le Tribunal fédéral (ci-après TF) en soutenant qu’il n’était pas « en retard de paiement » au sens de la loi au moment de la résiliation et qu’on ne pouvait donc pas lui interdire de changer d’assureur pour ce motif. Le TF lui donne raison.
Le TF rappelle qu’un « retard de paiement » ne se produit qu’au moment de la notification de la sommation. Dans ces conditions Sieur A n’était pas « en retard de paiement » fin décembre 2011, puisqu’il n’avait pas reçu de sommation : il ne devait plus que s’acquitter de la prime impayée, sans être tenu à d’autres obligations contractuelles et pouvait changer d’assureur. Certes, les mesures prévues par la LAMal à charge de l’assureur (à savoir envoyer un rappel écrit, puis une sommation assortie d’un délai de 30 jours) ne pouvaient pas matériellement pas être menées correctement à terme avant la fin du contrat fixée au 31 décembre 2011 …

Commentaire:
Pour celles et ceux qui sont déjà  habitués à un environnement légal détraqué, la seule inquiétante étrangeté de cet arrêt, reconnaissant qu’une mesure prévue par la loi peut être impossible dans la réalité, est que l’aberration administrative, pour une fois, ne lèse pas la partie faible.

Références: 9C_51/ 2016 du 2 novembre 2016

Calcul du revenu de valide : du bon usage des données statistiques

Résumé:
Le 27 octobre 2010 Sieur A est licencié de son poste de magasinier pour manque d’efforts. Son salaire était de 70’613,40 CHF. Le 3 juillet 2012 il dépose auprès de l’Office AI (ci-après OAI) une demande de mesure de reclassement, qui lui est refusée en raison d’un taux d’invalidité trop bas pour y donner droit. En effet, l’OAI calcule en se fondant sur l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) que sans atteinte à la santé Sieur A gagnerait 63’096 CHF (ci-après revenu de valide).  Comparant ce chiffre au revenu d’invalide de Sieur A (fixé à 55’995 CHF et pas contesté) l’OAI arrive à un taux d’invalidité de 10%, qui ne donne pas droit à des mesures d’ordre professionnel. De son côté, Sieur A estime que sans atteinte à la santé il aurait continué à réaliser le même salaire qu’avant son licenciement et que, par conséquent, les bases de calcul de l’Office AI, qui lui sont défavorables, sont également fausses.
Le Tribunal fédéral (ci-après TF) lui donne raison.
Le TF rappelle que  lorsque la perte d’emploi est due à des motifs étrangers à l’invalidité – ce qui est la cas ici – le revenu de valide doit en principe être déterminé par des valeurs moyennes et non sur la base du dernier salaire (C.5.1). En l’espèce, le TF ne se fonde pas sur l’ESS, défavorable à Sieur A, mais  examine les salaires effectivement réalisés par ce dernier en qualité de magasinier au cours des années précédentes: 67’650 CHF en 2007 dans un poste occupé de 1986 à 2008, puis 70’616 CHF en 2010 dans un poste occupé de 2008 à 2010. Constatant encore que les salaires ressortant de l’extrait de compte individuel établi par la Caisse cantonale de compensation démontrent que les revenus de Sieur A dépassaient ceux résultant de l’ESS pour une activité identique, le TF estime que la base de calcul de l’Office AI n’était pas correcte.

Commentaire:
Dans cette affaire le TF contrarie bienheureusement la tendance des Offices AI à calculer des revenus artificiellement éloignés de la réalité en se fondant sur des données statistiques désavantageuses pour les assurés.

Références:
9C_247/2015 du 23 juin 2015
 

Remboursement d’un médicament hors étiquette : Topamax pour un trouble bipolaire

Résumé:
En novembre 2002 la clinique S. a prescrit du Topamax à Sieur A, affecté d’un trouble bipolaire. Auparavant Sieur A avait subi plusieurs hospitalisations. Durant les phases dépressives sa vie avait été menacée par des idées suicidaires. L’administration de Dépakine et de Tegretol n’avait pas permis de stabiliser son humeur. D’autre part  il tolérait mal ces médicaments qui entrainaient d’importants effets secondaires. Or, trois ans plus tard, la SUPRA décida de ne plus rembourser le Topamax, puisqu’il n’était homologué que pour les troubles épileptiques et les migraines.
Sieur A contesta la décision de la SUPRA. Le Tribunal des assurances du canton du Tessin estima que le Topamax, prescrit hors étiquette, devait exceptionnellement être pris en charge par la SUPRA, car on était en présence d’une maladie menaçant la vie de l’assuré ou, à tout le moins, provoquant une atteinte grave et chronique à sa santé. De plus la maladie ne pouvait pas être traitée autrement de manière efficace, par manque d’alternatives thérapeutiques.
Le Tribunal fédéral (ci-après TF) rejette le recours de la SUPRA dirigé contre l’arrêt du Tribunal du Tessin la condamnant à assumer les coûts du Topamax. Selon le TF, l’appréciation des juges tessinois est discutable mais pas arbitraire; par ailleurs, elle est fondée sur les avis médicaux de la psychiatre traitante et de la clinique S. Dans ces conditions, l’importante utilité thérapeutique du médicament, admise par le Tribunal du Tessin, doit être confirmée. Enfin le TF estime que la SUPRA ne peut raisonnablement pas exiger de l’assuré qu’il se soumette désormais à des expérimentations pharmacologiques alors même que le traitement au Topamax donne de bon résultats depuis longtemps.

Commentaire:
L’usage hors étiquette est important dans le domaine de la psychiatrie, notamment dans le cas du «Neurontin» et du «Topamax», autorisés pour l’épilepsie et utilisés pour le traitement des troubles bipolaires.
Sur ce sujet on pourra lire Loris Magistrini, L’utilisation hors étiquette de médicaments et son remboursement par l’assurance-maladie, in Jusletter 31 janvier 2011


Références:
9C_743/2007 du 28 novembre 2008 (en italien)
Sur le même sujet:  K83/04 du 2 mai 2005 (en allemand)

FIBROMYALGIE


Nouvelle jurisprudence sur la fibromyalgie du 3 juin 2015 (recueil des ATF et 9C_492/2014  en allemand)
Cet arrêt a fait l’objet d’un communiqué de presse en français du 17.06.15 ainsi que d’une traduction en français.

Le Tribunal fédéral (TF) abandonne la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux et les affections psychosomatiques assimilées peuvent être surmontés par un effort de volonté.
La jurisprudence s’applique par analogie aux affections suivantes (CIIAI 318.507.13chiffre 1017.4):

  • Distorsion de la colonne cervicale sans constat organique de perte de fonction (coup du lapin)
  • Fibromyalgie
  • Hypersomnie non organique
  • Neurasthénie et syndrome de fatigue chronique (SFC)
  • Syndrome de stress posttraumatique (SSPT)
  • Troubles dissociés de la motricité
  • Troubles dissociés de la sensibilité et de la réceptivité
  • Trouble de la personnalité lié à un syndrome algique chronique

Le 7 juillet 2015 l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) a émis une circulaire d’interprétation de cette nouvelle jurisprudence : AI n 334 
Il ressort ce de cette circulaire que pour pouvoir bénéficier de la nouvelle jurisprudence, les personnes auxquelles une rente a été refusée par le passé doivent avoir subi une aggravation de leur état de santé depuis la date de la décision de refus . Cela leur ouvre la voie de la révision (article 17 LPGA). En revanche la circulaire ferme la voie de la reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA) ; la nouvelle jurisprudence ne s’applique donc pas rétroactivement.
D’autre part, la circulaire règle la procédure des cas pendants et résume les nouveaux critères d’appréciation du TF http://www.bsv.admin.ch/vollzug/documents/view/4366/lang:fre/category:35 .