PLACEMENT À DES FINS D’ASSISTANCE (PAFA): ARTICLE 426 ET SUIVANTS DU CODE CIVIL

Le traitement sous menace d’isolement est un traitement forcé qui doit respecter le plan de traitement et ouvrir les voies de recours

Résumé:
Sieur A est placé à l’hôpital en raison d’une schizophrénie paranoïde. Il s’adresse au tribunal cantonal pour se plaindre d’être contraint à prendre une médication sous la menace d’un placement en cellule d’isolement s’il s’y refuse. Le tribunal cantonal rejette son recours, estimant qu’il n’y a pas de traitement forcé au sens de la loi, car une certaine pression est indispensable pour amener un patient à prendre sa médication.
Le Tribunal fédéral (ci-après TF) annule le jugement et renvoie la cause au tribunal cantonal pour qu’il complète l’état de fait et prenne une nouvelle décision.
Le TF rappelle qu’il y a quatre façons de pratiquer le traitement forcé :

  1. par la violence physique,
  2. lorsque le patient consent sous la pression d’une contrainte immédiate,
  3. lorsque le patient prend la médication « volontairement » à la suite d’une administration forcée,
  4. par acte matériel (Realakt) lorsque le patient est sanctionné d’une mise à l’isolement en cas de refus de traitement. Dans ce dernier cas, le patient doit pouvoir faire appel au juge (ATF 143 III 337 en allemand).

Lorsque le patient ne consent pas au traitement, le médecin chef peut prescrire par écrit les soins prévus par le plan de traitement pour autant que les conditions de l’article 434 CC soient remplies. En revanche la loi ne prévoit pas que le traitement puisse être prescrit sous forme d’un acte matériel. Il s’ensuit que les conditions légales du traitement sous contrainte ne peuvent pas être mises en œuvre par un acte matériel. En l’occurrence, l’hôpital aurait pu prévoir l’exécution des mesures et en fixer les modalités déjà dans la décision de prescription du traitement, ce qui n’a pas été fait. La cause donc est renvoyée au tribunal cantonal qui devra déterminer si le patient a bien été menacé de chambre d’isolement dans le but de le contraindre à une prise « volontaire » du traitement.

Commentaire:
Il faut espérer que les hôpitaux psychiatriques prendront connaissance de cet arrêt confidentiel et comprendront que toute pression exercée sur un patient en PAFA est un traitement sous contrainte, qui ne peut être prescrit que par un plan de traitement et dans le respect des conditions de l’article 434 CC:

  1. le défaut de traitement met gravement en péril la santé de la personne concernée ou la vie ou l’intégrité corporelle d’autrui;
  2. la personne concernée n’a pas la capacité de discernement requise pour saisir la nécessité du traitement;
  3. il n’existe pas de mesures appropriées moins rigoureuses.

Références: 5A_834/2017 du 28 novembre 2017 en allemand 

Traitement forcé de droit pénal

Résumé:
Sieur A est incarcéré sur la base d’une mesure thérapeutique institutionnelle de droit pénal au sens de l’article 59 du code pénal (CP). Selon le rapport médical il souffre d’un trouble délirant dont il nie totalement l’existence. Comme il refuse de collaborer au traitement une mesure de placement (PAFA) à l’Unité hospitalière de psychiatrie pénitentiaire (Curabilis) est prononcée afin de pouvoir lui prodiguer le traitement contre son gré. Le PAFA est limité à quelques heures tous les 15 jours, le temps de procéder à l’injection du traitement. Sieur A conteste le PAFA auprès  Tribunal fédéral (TF).
Le TF constate que l’article 59 CP est une base légale suffisante pour ordonner un traitement forcé si celui-ci se révèle nécessaire et qu’il respecte la déontologie médicale. La mesure pénale ne peut pas être remplacée par un PAFA. La médication forcée doit toutefois être expressément mentionnée par le jugement pénal si elle apparait indispensable au moment où la mesure pénale est prononcée. Si la nécessité d’avoir recours à une médication forcée n’apparaît qu’après le jugement ce sont les autorités d’exécution qui peuvent l’ordonner, pour autant qu’elle corresponde au but de la mesure pénale et qu’elle s’inscrive dans le cadre du traitement déterminé par le jugement pénal (ATF 130 IV 49 consid. 3.3 en allemand).

Dans le cas d’espèce le TF, qui ignore si le jugement pénal prévoit la médication forcée de Sieur A,  annule la décision de PAFA et renvoie la cause à l’autorité cantonale pour qu’elle complète les faits et prenne une nouvelle décision.

Commentaire:
Même dans un contexte punitif un traitement forcé est illégal s’il va au-delà du cadre prévu par le jugement pénal. Une personne condamnée à se soigner par un jugement pénal  ne peut pas être soumise sans formalités à un traitement forcé dans le cadre d’un PAFA.


Références:
5A_96/2015 du 26 février 2015

Exigence d’une expertise pour un placement à des fins d’assistance, contenu de l’expertise et de la décision de placement

Résumé:
Dame A est placée à des fins d’assistance sur la base de l’expertise d’un médecin exposant qu’elles souffre d’un trouble délirant persistant dont les conséquences se manifestent sur le plan administratif par des dépenses médicales et juridiques dépassant son budget et incontrôlables. Dame A  peut également se montrer agressive. Sur le plan médical, l’expert constate que Dame A  nécessite impérativement une prise en charge psychiatrique et un traitement neuroleptique à long terme et que le traitement dont elle a besoin ne peut être fourni que par un placement à des fins d’assistance. Or, selon l’article  450e al. 3 CC, la décision de placement à des fins d’assistance doit être prise sur la base d’un rapport d’expertise qui doit se prononcer sur l’état de santé de l’intéressé, indiquer en quoi les éventuels troubles psychiques risquent de mettre en danger la vie de la personne concernée ou son intégrité personnelle, respectivement celles d’autrui, et si cela entraîne chez lui la nécessité d’être assisté ou de prendre un traitement. L’expert doit préciser quels seraient les risques concrets pour la vie ou la santé de cette personne, respectivement pour les tiers, si la prise en charge préconisée n’était pas mise en œuvre. Il doit indiquer si, en vertu du besoin de protection de l’intéressé, un internement ou une rétention dans un établissement est indispensable, ou si l’assistance ou le traitement nécessaires pourraient lui être fournis de manière ambulatoire. Le rapport d’expertise doit préciser si la personne concernée paraît, de manière crédible, prendre conscience de sa maladie et de la nécessité d’un traitement. Quant à  la décision de placement, elle doit indiquer  quel danger concret, dûment établi par expertise, pour la vie ou la santé de l’intéressé subsisterait, dans le cas d’espèce, si le traitement ou l’assistance n’était pas mis en œuvre. L’existence d’un risque purement financier n’est a priori pas suffisant. Le risque de danger pour les tiers peut également être pris en compte. Ensuite, l’autorité doit déterminer sur la base de ces faits si une assistance ou un traitement est «  nécessaire « , si oui, et pourquoi tel serait le cas. Lorsqu’elle arrive à la conclusion que le traitement, respectivement l’assistance, est nécessaire, l’autorité doit  dire pour quels motifs une assistance ou un traitement ambulatoire n’est pas envisageable (par exemple, parce qu’il est impossible de faire administrer le traitement par des proches de l’intéressé, ou parce que l’intéressé n’a pas conscience de sa maladie et de son besoin de traitement). En l’espèce, il a été jugé que  la liste des questions posées à l’expert n’était  pas conforme à la jurisprudence. En particulier, la question du danger concret qui existerait pour Dame A ou pour des tiers si le placement n’était pas mis en œuvre n’a pas été posée. L’expertise et le jugement contestés se contentent de mentionner que l’intéressée représente un risque pour elle-même, sans préciser de quel risque il s’agit, ce qui est insuffisant. En particulier on ne sait pas à quel danger concret pour sa vie ou pour sa santé Dame A serait exposée en l’absence de suivi. Le Tribunal précise encore que les conséquences du trouble de Dame A, à savoir des dépenses médicales et juridiques dépassant son budget et incontrôlables, ne sont pas pertinentes s’agissant d’un placement à des fins d’assistance.

Commentaire:
Cet arrêt pose clairement la nécessité d’une expertise circonstanciée dont le contenu répond à certaines exigences jurisprudentielles pour justifier un placement à des fins d’assistance.

Références:
5A_872/2013 du 17 janvier 2014

Obligation d’entendre personnellement la personne concernée par un placement à des fins d’assistance

Résumé:
Sieur A a été placé à des fins d’assistance pour une durée indéterminée par la Justice de paix. Il a demandé la mainlevée du placement, qui lui a été refusée. Il a alors recouru à la Chambre des curatelles du canton de Vaud, qui a rejeté son recours sans l’avoir auditionné personnellement, ni en collège, ni de manière déléguée. Le Tribunal fédéral a estimé que l’audition personnelle est imposée à l’autorité de recours par l’art. 450e al. 4 1re phrase CC car, aux termes de cette disposition, l’instance judiciaire de recours, en règle générale réunie en collège, entend la personne concernée.  Même s’il doit être formé par écrit, le  recours contre le placement n’a pas à être être motivé. Et si la loi n’exige pas que le recours soit motivé, c’est parce que l’intéressé peut exposer ses motifs oralement lors de son audition personnelle par l’autorité de recours. En l’espèce, l’audition personnelle de Sieur A était nécessaire pour permettre à l’autorité de recours de se forger sa propre opinion quant à la situation de l’intéressé qui aurait pu évoluer depuis la décision rendue en première instance.

Commentaire:
L’arrêt n’a pas tranché la question de savoir si l’obligation d’entendre personnellement le recourant s’applique également aux autres personnes ayant qualité pour recourir au sens de l’art. 450 al. 2 CC, notamment les proches.

Références:
ATF 139 III 257, SJ 2014 I  51, 5A_299/2013 du 6 juin 2013