Mesure institutionnelle en milieu fermé injustifiée quand il n’y a pas de risque de fuite ou de récidive

Résumé:
Sieur A, qui souffre de schizophrénie, a été  condamné pour divers crimes et délits. Il est soumis à une mesure pénale de traitement en milieu institutionnel. Mis au bénéfice d’un régime de congés non accompagnés Sieur A, anosognosique, respecte mal le cadre institutionnel, il fugue de telle sorte que les injections sont souvent décalées, il manque volontairement des entretiens thérapeutiques et consomme du cannabis de façon répétée ; l’alliance thérapeutique est embryonnaire et Sieur A ne développe pas de regrets constructifs qui lui permettraient de tirer un enseignement des infractions commises. Une expertise du 14 octobre 2016 préconise un environnement contrôlé ne permettant ni fugue ni manquement aux entretiens, car on peut craindre en cas de rupture future du lien thérapeutique que Sieur A retombe dans les comportements qui l’avaient menés en prison. Sieur A est, dès lors, placé en milieu fermé, le régime de congés non accompagnés étant révoqué. Sieur A recourt et le Tribunal fédéral (ci-après TF) lui donne raison.
Pour qu’un traitement en milieu fermé (article 59 du code pénal) soit justifié il faut qu’il y ait un risque qualifié de fuite ou de récidive. Le risque de récidive doit être concret, le condamné proférant des menaces précises, et si probable qu’il ne peut pas être combattu autrement que par un placement en milieu fermé. En revanche, le risque inhérent à toute personne soumise à une mesure thérapeutique n’est pas suffisant pour justifier le placement en milieu fermé. Le risque de fuite doit être avéré, l’intéressé ayant la ferme intention de s’évader ainsi que les facultés intellectuelles physiques et psychiques pour le faire. En l’occurrence, les fugues de Sieur A, qui n’avaient duré quelques heures, n’étaient pas liées à une volonté de se soustraire au traitement, son comportement au cours des fugues n’avait donné lieu à aucune plainte. Le risque de fuite invoqué par l’autorité pénale n’était pas concret mais hypothétique. Par ailleurs la violation des règles internes à l’établissement n’est pas suffisante pour justifier le placement en milieu fermé. De plus, le placement en prison ne constitue pas la meilleure solution pour favoriser l’amélioration de l’état clinique de Sieur A.

Commentaire:
A une époque où la peur prend si facilement le dessus sur la rationalité et le respect humain, où tant de gens  réclament sans vergogne l’enfermement préventif il est réconfortant de voir le TF garder la tête froide et le cœur chaud dans l’application des mesures pénales.

Références: 6B_319 /2017 du 28 septembre 2017

 

Violation du secret médical par l’expert qui envoie son rapport à l’employeur

Résumé:
Sieur A est en arrêt maladie depuis deux mois et demi quand son employeur le prie de se soumettre à l’examen d’un expert, le Dr B, spécialiste en psychiatrie. Le lendemain, ce dernier livre à l’employeur un rapport sur  la capacité de travail de Sieur A. Le Dr B est condamné à 60 jours-amendes pour violation du secret médical (art. 321 du code pénal ci-après CP). Il recourt au Tribunal fédéral (ci-après TF) qui le déboute.
Selon le TF, l’article 321 CP s’applique à tout titulaire d’un diplôme de médecin, y compris l’expert. Le Dr B se prévaut alors du consentement éclairé de Sieur A à être non seulement examiné, mais à faire l’objet d’un rapport. Toutefois,  le TF considère que l’employé ne donne pas son consentement à la divulgation de ses données personnelles à son employeur en acceptant d’être examiné. En effet, l’article 328b du code des obligations (concernant le protection de la personnalité du travailleur lors du traitement de données personnelles) limite les données accessibles à l’employeur : seuls la  durée, le degré et la cause (maladie ou accident) de l’incapacité de travail peuvent être communiqués, le diagnostic n’ayant pas à être révélé. De plus, les lignes directrices de l’Académie suisse des sciences médicales ainsi que le Manuel de la Société Suisse des médecins-conseils et médecins d’assurances confirment expressément que le certificat d’incapacité de travail ne doit pas mentionner de diagnostic. Il en résulte que, en consentant à l’examen du Dr B, Sieur A ne l’a pas entièrement relevé du secret médical, mais ne l’a autorisé à transmettre que les renseignements usuels. La divulgation de tout élément qui va au-delà aurait dû être expressément autorisée par l’employé.
La peine est confirmée.

Commentaire:
Pourquoi est-ce à coup de jours-amendes qui faut rappeler, même aux médecins, que les données médicales ne sont pas en libre-service, qu’un employeur n’y a pas accès et qu’un expert est aussi soumis au secret médical ?

Références: 6B_1199/2016 du 4 mai 2017 en allemand, destiné à publication

Défenseur d’office pour personne en conflit avec son curateur

Résumé:
Sieur A, sous curatelle de portée générale, fait l’objet d’une procédure pénale pour diverses infractions à la loi sur les stupéfiants. Il dit se trouver dans une situation de fragilité et d’épuisement psychique. De plus, il est en psychothérapie en raison d’une maladie psychique chronique. L’assistance d’un avocat nommé d’office lui est néanmoins refusée au motif qu’il peut solliciter l’assistance de son curateur. Contre ce refus, Sieur A recourt au Tribunal fédéral (TF) qui lui donne raison.
Le droit à un défenseur d’office pour une personne qui ne peut pas défendre ses intérêts en raison de son état psychique est prévu par l’article 130  du code de procédure pénale (CPP). Encore faut-il que cette personne ne puisse pas être défendue par son représentant légal, en l’occurrence son curateur. Sieur A, qui prétend avoir été abusé par tous ses représentants légaux, respectivement l’Office du Tuteur général, doute fortement de la capacité de son curateur à défendre ses intérêts. Le TF constate que les rapports très conflictuels entretenus par Sieur A avec ses différents curateurs ressortent des pièces figurant au dossier. Compte tenu de ces circonstances, l’importance du possible conflit avec le curateur ne peut pas être ignorée, d’autant plus que les divergences d’opinion entre Sieur A et son curateur ne sont pas limités à la procédure pénale en cours. Dès lors, Sieur A se trouve dans une situation justifiant une défense obligatoire en vertu du CPP et un défenseur d’office doit lui être désigné, son curateur ne pouvant pas assumer ce rôle.

Commentaire:
Combien de personnes souffrant de troubles psychiques se sentent trahies par un défenseur qui ne croit pas à leur cause ? Le Tribunal fédéral prête ici une oreille attentive à leur méfiance : il accorde du poids à la haute vraisemblance d’un conflit entre une personne concernée et son curateur.


Références:
1B_279/2014 du 3 novembre 2014 paru à la SJ 2015 I 172