Droit d’être entendu: se prononcer sur le contenu d’un certificat médical


Résumé:
Dame A est connue pour un délire persécutoire depuis 1993. En 2002 une curatrice est nommée pour permettre une intervention chirurgicale vitale, toute mesure tutélaire plus incisive étant refusée faute de danger et au motif que Dame A parvient à gérer ses affaires. En 2011 la mère de Dame A dépose une requête en interdiction expliquant que sa fille s’est clochardisée, qu’elle a perdu sa rente AI faute de se présenter aux rendez-vous fixés et que ses primes d’assurance maladie ne sont plus payées. Le tribunal désigne une curatrice à titre provisoire et la procédure suit son cours. Dame A, assistée d’une avocate, ne se présente ni aux audiences du tribunal ni à l’expertise psychiatrique, la police n’étant pas en mesure de la localiser. Son avocate explique l’avoir vue pour la dernière fois en juin 2014 dans un parc. En février 2015  le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant instaure une curatelle de représentation et de gestion en faveur de Dame A. Celle-ci recourt contre la mesure par la voix de son avocate, mais ne se présente pas à l’audience de la Chambre de surveillance. Elle délie toutefois le Docteur B de son secret médical. Il ressort du certificat médical du Docteur B que Dame A n’est pas en mesure d’effectuer seule les démarches nécessaires à garantir ses besoins financiers, mais qu’elle sait gérer l’argent de son entretien. Sur cette base, la Chambre de surveillance confirme la mesure de protection. Se plaignant d’une violation de son droit d’être entendue, Dame A s’adresse au Tribunal fédéral (ci-après TF) qui lui donne raison.
Le TF rappelle que le droit d’être entendu, protégé par la Constitution fédérale et la Convention européenne des droits de l’Homme exige que ce soient les parties à un procès et non le juge qui décident si une pièce versée à la procédure appelle des observations de leur part. Il constate alors que le certificat médical sur lequel la cour cantonale s’est fondée pour confirmer la curatelle n’avait pas été communiqué à Dame A, qui n’avait ainsi pas eu l’opportunité de se prononcer. L’affaire est renvoyée au canton afin que Dame A puisse s’exprimer sur le certificat du Docteur B.

Commentaire:
Il faut rendre hommage à la justice pour son strict respect du droit d’être entendu d’une personne dont la souffrance psychique entrave gravement la capacité de communiquer. Dans le monde des intervenants psychosociaux, à l’inverse, la tentation est vive de passer outre le respect des droits fondamentaux de personnes dont le besoin d’aide est criant.

Références: 5A_1007 du 26 février 2016